Immobilier locatif : ce que vous pouvez gagner à investir dans une passoire thermique

Entre 2023 et 2028, les logements les plus énergivores du parc immobilier vont être interdits à la location. Face au coût et à la complexité des travaux à réaliser, de plus en plus de propriétaires sont tentés de revendre leur passoire thermique. Une véritable opportunité pour les investisseurs aguerris, comme le montrent nos simulations.

Par Thomas Chemel /Journaliste immobilier, logement et énergie

Et si votre prochain investissement immobilier se faisait dans une passoire thermique ? La question peut vous paraître surprenante, voire totalement incongrue… Pourtant, acheter un bien très énergivore, le rénover et le mettre en location peut s’avérer (très) rentable sur le long terme. Et les opportunités ne vont pas manquer ! En effet, en vertu de la loi Climat et résilience de 2021, les 4,8 millions de logements passoires, notés F ou G en diagnostic de performance énergétique (DPE), seront bientôt considérés comme indécents, et donc impropres à la location. Ce sera le cas dès 2023 pour les biens dont la consommation annuelle dépasse 450 kWh par mètre carré, c’est-à-dire les plus énergivores de la classe G. L’interdiction de mise en location concernera ensuite tous les biens classés G au 1er janvier 2025, puis ceux de la classe F au 1er janvier 2028.

Or, un grand nombre de propriétaires de ces passoires thermiques n’entend pas engager de rénovation. Certains d’entre eux jugent les travaux trop coûteux, d’autres y voient une opération trop complexe. Si on en croit la récente étude de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (Unpi), seuls 30% des propriétaires concernés envisagent ainsi de réaliser des travaux… Et 13% songent à vendre. Beaucoup seraient même déjà passés à l’acte, puisque la plateforme SeLoger constate, dans certaines villes, un afflux d’annonces de vente pour des biens d’étiquettes F et G. Rappelons que dans leur dernière enquête sur la valeur verte des logements, les notaires ont estimé qu’un bien classé F ou G se vend en moyenne 2% à 18% moins cher qu’un bien d’étiquette D, suivant les régions. Et, selon différents experts interrogés, ces écarts de prix pourraient encore augmenter…

Importantes décotes à l’achat

“Les biens classés F et G vont progressivement perdre de leur valeur, à mesure qu’on va s’approcher des échéances de 2025 et 2028”, prévient Thierry Vignal, président cofondateur de Masteos, une start-up spécialisée dans l’investissement locatif. “Beaucoup de propriétaires seront contraints de vendre à perte, ce qui créera des opportunités pour les investisseurs aguerris”, ajoute-t-il. Il devrait donc être possible d’obtenir d’importantes décotes à l’achat. “Ce devrait surtout être le cas dans les zones moins tendues, où les acheteurs ont un peu plus de marge de négociation”, confirme Florent Belon, responsable expertise ingénierie patrimoniale chez Olifan Group. Mais attention à ne pas vous ruer sur la première bicoque venue pour autant. Comme pour tout autre investissement immobilier, il faudra analyser une somme de critères : l’état général du logement, son environnement (services et infrastructures à proximité), etc. Souvenez-vous ensuite que votre investissement ne sera rentable que si vous parvenez à louer votre bien. Assurez-vous donc que la demande locative soit au rendez-vous.

Vient ensuite la question cruciale des travaux. Pour pouvoir louer votre bien sur le long terme, il devra atteindre a minima la classe D de DPE. Ce qui va sûrement nécessiter de totalement refaire l’isolation du bâti, de remplacer les fenêtres, le système de chauffage et la ventilation. “Il pourrait être intéressant d’acheter un bien situé dans le haut d’une tranche énergétique et, avec un budget travaux limité mais bien réparti, gagner une ou deux classes pour pouvoir le mettre en location et espérer revendre plus facilement avec une plus-value en sortie”, conseille Florent Belon. Retenez néanmoins que, même bien ficelé, le budget de vos travaux s’élèvera très certainement à plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Heureusement, des aides pourront vous permettre de réduire la note : depuis l’an dernier, tous les propriétaires ont accès à MaPrimeRénov’, y compris les bailleurs (hormis les sociétaires de SCI). Vous pourrez aussi solliciter les primes versées dans le cadre des certificats d’économie d’énergie (CEE) pour diminuer votre reste à charge. Comprenez enfin que ces travaux, même coûteux, vont participer à la valorisation de votre bien. D’après Masteos, chaque saut de classe énergétique permettrait une valorisation de 2% à 5%, selon les régions. « En résumé, la décote que l’acheteur d’une passoire thermique est susceptible de négocier par rapport au prix de marché compensera le surcoût dû aux travaux de rénovation énergétique. Par ailleurs, vous allez perdre un petit peu de rendement en raison du coût des travaux, mais vous épongerez rapidement cette perte, au moins pour partie, grâce à la réduction de vos charges, puis en sortie, lorsque vous revendrez votre bien remis aux normes”, décrypte Thierry Vignal. D’autant que votre opération présentera aussi un intérêt fiscal… Mais comme un bon croquis vaut mieux qu’un long discours, Capital vous a concocté un cas-type, avec l’aide d’Olifan Group.

Un match à l’avantage de la passoire thermique

Prenons donc l’exemple d’une maison de 150 mètres carrés, acquise à Domloup, à quelques kilomètres de Rennes (Ille-et-Vilaine). Dans le cas 1, le propriétaire fait le choix d’acheter un bien classique, noté D en DPE. Le prix d’achat s’élève à 436.800 euros, frais d’acquisition compris. L’acheteur met immédiatement son bien en location et en tire un loyer brut annuel de 21.600 euros. Dans le cas 2, ce même propriétaire s’oriente cette fois vers un bien de type passoire thermique, classé G en DPE. Il obtient une décote importante, du fait de cette faible performance énergétique, et acquiert son bien pour 377.900 euros, frais d’acquisition compris. Mais cette fois, il réalise d’importants travaux pour valoriser son bien et atteindre l’étiquette C. Il fait isoler la toiture, les planchers, installer de nouvelles fenêtres, une ventilation, ainsi qu’une pompe à chaleur pour le chauffage. Coût total des travaux : 29.100 euros, pour lesquels il perçoit 11.000 euros d’aides, grâce à MaPrimeRénov’ et les primes Coup de pouce des certificats d’économie d’énergie (sa facture s’élève donc à 18.100 euros).

Dans ce second cas, le propriétaire ne peut pas immédiatement proposer son bien à la location, en raison du délai de réalisation des travaux. La maison restera donc vacante pendant 6 mois, ce qui va dans un premier temps réduire la rentabilité de son opération. Mais il retombe rapidement sur ses pieds. En effet, grâce aux travaux, notre bailleur réduit légèrement ses charges annuelles (nous avons retenu une hypothèse basse : 2.800 euros au lieu de 3.000) et est en capacité d’augmenter le loyer (hypothèse basse : 22.400 euros par an au lieu de 21.600). Mais surtout, il réalise une grosse économie fiscale… La première année, ses dépenses de travaux sont en effet bien supérieures aux loyers perçus (on rappelle que le bien n’est loué que 6 mois durant l’année). Cette situation génère un déficit foncier de 19.406 euros (11.200 euros de loyers – 2.800 euros de charges – 18.100 euros de travaux – 9.706 euros de charges financières), ce qui permet à notre propriétaire de diminuer ses revenus imposables.

En année 1, en plus d’annuler la taxation de ses loyers, il peut déduire jusqu’à 10.700 euros du déficit sur son revenu global, constitué de ses autres revenus professionnels. Et en année 2, il reporte la fraction restante (soit 8.706 euros) sur ses revenus fonciers. Là encore, cela annule l’imposition des loyers de l’année et il lui reste même un reliquat de déficit à reporter en année 3, ce qui réduit son impôt sur le revenu à 1.702 euros, auxquels s’ajoutent 975 euros de prélèvements sociaux. Ce n’est finalement qu’en année 4 que son imposition augmente véritablement, à 4.510 euros d’impôt sur le revenu et 2.586 euros de prélèvements sociaux (déduction de CSG comprise). Notons d’ailleurs que son imposition est légèrement supérieure dans l’hypothèse d’achat et de rénovation d’une passoire, puisque ses revenus locatifs sont supérieurs. Et que son impôt augmentera légèrement dans les deux situations, car nous considérons une revalorisation annuelle des loyers de 2%, alors que les charges financières se réduisent.

Mais, dans une hypothèse de revente de sa maison après 20 ans de location, sa rentabilité sera finalement bien supérieure. Pour chaque cas, nous avons supposé un taux de valorisation du bien de 2% par an. Nous nous sommes ensuite appuyés sur la valeur verte des logements établie par les notaires, afin d’appliquer un coefficient de revalorisation supplémentaire de 5% à la passoire thermique rénovée. Selon les notaires en effet, en Bretagne, les biens immobiliers de classe C se sont vendus 6% plus chers que les biens de classe D.

Il s’agit, certes, d’une photographie du poids de la note énergétique dans la fixation des prix de vente en 2021… Et il n’est pas dit que cet écart se maintiendra jusqu’au terme des 20 ans de location. Mais nous avons considéré que l’amélioration de la performance et du confort du logement apporté par les travaux aura encore son importance, même à cet horizon. Au final, en tenant compte d’une valorisation annuelle de 2%, le propriétaire peut espérer revendre son bien classique à environ 601.800 euros. Et dans le cas de la passoire thermique rénovée, en appliquant une majoration supplémentaire de 5% du prix, il peut espérer empocher environ 632.000 euros. Soit un taux de rentabilité interne (TRI), avant imposition de sa plus-value, de l’ordre de 9% dans le cas du bien classique, contre 12,6% dans le cas passoire thermique !

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https://www.capital.fr/immobilier/maprimerenov-pret-aide-les-nouveautes-2022-en-matiere-de-renovation-energetique-1418329

Vous l’aurez compris, acheter une passoire thermique à prix décoté et la rénover pour ensuite la louer peut se révéler très rentable. Mais il faudra évidemment faire très attention au bien que vous choisissez, aux travaux que vous entreprenez, etc. Une chose est sûre : les opportunités ne manqueront pas !

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